Les traducteurs littéraires victimes de l’intelligence artificielle


La révolution de l’intelligence artificielle (IA) a déjà fait ses premières victimes dans le monde de l’édition. Les traducteurs littéraires − le maillon le plus fragile et le plus exposé au tsunami de l’IA − voient chaque jour leurs conditions de travail se dégrader et leurs commandes s’étioler. Le recours à des programmes de traduction automatique comme DeepL se généralise, et le métier des traducteurs tend à se réduire à des contrats de postédition (à partir d’un texte déjà prétraduit par une machine).

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Selon Jörn Cambreleng, directeur de l’association pour la promotion de la traduction littéraire Atlas, cette pratique reste « honteuse » chez les éditeurs, qui ne signalent jamais leur recours à l’IA sur la couverture des livres, mais aussi chez les traducteurs, qui prennent par défaut ce type de contrats payés moins cher.

La dernière enquête sur la traduction automatique et la postédition, menée par l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF), en décembre 2022, auprès de quatre cents personnes, montrait déjà un « fort manque de transparence des éditeurs » sur le recours à l’IA, « une rémunération moindre » (pour 68 %, elle était inférieure aux tarifs moyens de traduction).

Et pour près de la moitié des personnes interrogées, la postédition demandait « plus de temps que pour une traduction classique ». Les rares professionnels (8 %) qui souhaitaient accepter de nouveau des travaux de postédition l’auraient fait « pour certains ouvrages de type récréatif (comme des livres de cuisine, de yoga), à condition que la rémunération corresponde au temps de travail effectif ». Ou pour des raisons strictement économiques. Voire, de façon minoritaire, « par curiosité, en estimant que l’IA va gagner du terrain ».

« Pertes immenses en savoir-faire »

La secrétaire de l’ATLF, Peggy Rolland, se déclare inquiète de l’arrivée de l’IA et redoute des difficultés en cascade. Juridiques, d’abord. « Les traducteurs sont des auteurs et doivent percevoir des droits d’auteur sur la vente de chaque livre (entre 1 % et 2 %, en général). Or, les éditeurs qui ont recours à l’IA veulent nous payer comme autoentrepreneurs, ce qui n’est pas légal », souligne-t-elle.

Cette traductrice, par ailleurs musicienne, constate que les jeunes entrants dans le métier acceptent pourtant ces propositions, tout comme celles des éditeurs qui paient en honoraires. Le barème officiel de la profession − calqué sur les aides aux éditeurs accordées par le Centre national du livre (CNL) − est fixé depuis des années à 21 euros le feuillet (soit 1 500 signes). Mais, avec le recours à l’IA, il peut baisser à 17 ou 18 euros.

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